L'interview de cette semaine en plus d'être terriblement intéressante, nous permet d'aborder des thèmes comme, l'open source, les fablabs et le DIY. Alors si je vous dis, Christophe souhaite faire des esthétiques de prothèses grâce au FabLab toulousain Artilect afin de les partager en open source, vous me suivez? Non? Pas de panique je vais tout vous expliquer. Un FabLab est est un lieu ouvert au public, où il est mis à sa disposition toutes sortes d'outils, notamment des machines-outils pilotées par ordinateur, pour la conception et la réalisation d'objets (imprimantes 3D par exemple). Et open-source veut dire que le résultat des recherches seront partager gratuitement. Donc je reprends ma phrase du début, Christophe souhaite permettre aux personnes amputées de créer elles-même un esthétique pour leur prothèse grâce a ses recherches et aux outils mis à disposition dans les FabLab. Je sens que j'ai bien piqué votre curiosité la!
So have you met Christophe?
Pouvez-vous vous présenter ?
Je m’appelle Christophe Debard, j’ai 36 ans je suis ingénieur chez Airbus. Je suis le porteur du projet Print My Leg.
Qu’est-ce que Print My Leg ?
C’est un projet en open-source pour permettre à toute personne amputée d’une jambe comme moi, de fabriquer son esthétique pour sa prothèse selon ses besoins et ses goûts.
Comment vous ai venue l’idée ?
Je voulais changer le regard des gens sur le handicap. J’ai noté deux types de regards sur ma jambe selon l’activité que je fais. Si je fais du sport je remarque une certaine admiration dans le regard. Mais dans la vie courante, l’admiration se change vite en pitié. On se sent plus handicapé dans le regard des gens que par sa propre condition. Personnellement je ne me sens pas du tout handicapé. Ma prothèse me permet de faire tout ce que je souhaite, y compris des activités physiques. Ce que ma prothèse n’a pas, c’est de l’esthétisme. Une prothèse esthétique c’est environs 1000€. C’est pour ça que la plupart des personnes amputées ont juste cette lame en carbone sans volume qui te donne une allure bizarre en short. Moi je l’assume, mais beaucoup n’ose plus les shorts ou les robes pour les femmes. Avec Print My Leg nous voulons que chacun puisse réaliser son esthétique qui aura les volumes, les courbes d’une jambe de chair. Voilà comment est venu l’idée de départ, mais la réalisation est très compliquée, ça demande des compétences en mécanique, en design, en imprimante 3D… Je n’ai qu’un très faible budget à investir dans le projet et il a vocation à être partagé gratuitement, donc il fallait des compétences bénévoles. Je pensais tout ceci impossible puis j’ai rencontré Thomas Grougon du FabLab de Toulouse, ARTILECT. Il travaille pour la section Lab Design.
Quelles ont été les étapes ?
Il a fallu scanner ma jambe. Je suis le porteur de projet et le cobaye principal ! Avec ce scan nous avons pu faire les premiers designs de ce que pourrait être la jambe. Nous avions ensuite besoin d’un ingénieur mécanicien et de matériel. Je me suis rapproché du RH de Airbus qui s’occupe du handicap. L’équipe handicap d’Airbus est un très bon soutien en terme de communication pour le projet. Airbus était en relation avec un de nos partenaire, My Human Kit pour organiser à Toulouse le Fabrikarium. Le Fabrikarium est une rencontre autour de projets comme Print My Leg. Pendant 3 jours nous avons pu travailler avec des ingénieurs d’Airbus et d’autres profils utiles au projet. Nous avons gagné beaucoup en visibilité et l’équipe s’est agrandit. Chaque personne qui travaille sur le projet le fait bénévolement, sur son temps libre, et nous sommes déjà 12 très impliqués. Nous espérons sortir la version béta de la prothèse fin novembre.
Qu’elles ont été les rencontres déterminantes ?
La première, celle qui a rendu possible Print My Leg est celle avec Thomas Grougon.
Le FabLab Artilect de Toulouse de manière générale est le point de départ de tout le projet et c’est grâce à leur infrastructure que nous concrétisons nos idées. My Human Kit et les RH de Airbus sont deux soutiens, deux partenaires sans qui le projet ne pourrait pas avancer aussi vite. Et puis toutes les personnes qui nous rejoignent dans l’aventure sont des rencontres intéressantes. Je vois dans leurs yeux que mon pari est déjà à moitié atteint. Ils ne voient plus la prothèse comme symbole du handicap, mais comme un défi technologique. Et par ce nouveau challenge le handicap n’est plus une source de pitié mais un problème technologique qui peut être solutionné par l’innovation. C’est un projet très enthousiasmant et j’espère faire évoluer la façon dont on voit le handicap autant pour les personnes concernées que celles qui l’observe de l’extérieur.
Quelles sont les difficultés rencontrées par Print My Leg ?
La disponibilité des personnes qui travaillent sur le projet. Nous sommes tous bénévoles, et nous faisons tous ceci sur notre temps libre. Nous allons donc forcément moins vite que nous le souhaiterions. Le projet a été lancé en mars dernier, nous avons déjà bien avancé, mais c’est sûr nous irions plus vite avec plus de temps. L’autre difficulté c’est de rendre le prototype adaptable. Chaque personne est différente , la forme de sa jambe, son type de prothèse. Chaque prothèse est unique. Notre prototype doit donc être facilement adaptable et c’est un vrai défi technologique. D’ailleurs je lance un appel nous avons besoin de personnes qui maitrisent le développement d'une application permettant de paramétrer des modèles 3D aux dimensions requises.
Quelle est l’actualité de Print My Leg ?
Nous en avons plusieurs. Je souhaite renforcer les liens avec Airbus car Print My Leg a besoin des compétences présentes dans l’entreprise. Nous avons déjà de forts liens avec eux, non pas parce que j’y travaille, mais parce que beaucoup d’employés souhaitent s’impliquer dans ce genre de projet et Airbus s’est rendu compte que ces activités hors travail renforçaient l’engagement et la motivation en interne. Je souhaite développer une communauté intranet pour faciliter la communication sur ces projets.
Je dois également partir en quête de fournisseurs qui acceptent de nous aider. Airbus ici encore a été un très bon relais notamment pour ses fournisseurs en peintures. J’ai rendez-vous cette semaine avec un fournisseur de vinyle qui, hasard de la vie, avait cette idée de travailler avec des prothèses pour les rendre plus esthétiques.
Nous souhaitons aussi faire des jambes pour les femmes. Les jambes sont une partie de la féminité et nous voulons rendre cette féminité aux femmes amputées. Nous travaillons sur de nouveaux matériaux comme le cuir pour donner de la douceur et de la délicatesse aux prothèses.
Le dernier défi sera pour les prothèses pour enfants. Un enfant doit changer de prothèse tous les 6 mois/ 1 an quand il est en pleine croissance. Créer une prothèse qui suit sa croissance tout en étant ludique pourrait changer la vie d’un enfant. Imaginer, une prothèse avec des lumières qui s’allument quand l’enfant pose le pied par terre. Il n’aurait plus l’impression d’être l’enfant « handicapé » de l’école, mais un super héros avec une jambe tout droit sortie de IronMan. Et pour ces camarades de classes, ils ne verraient plus le handicap mais le coté fun de la prothèse.
Un dernier commentaire ?
Nous sommes une « entreprise » d’un genre un peu particulier et nous espérons encourager une nouvelle tendance. Notre bénéfice ne sera pas financier vous l’aurez compris, il sera humain. Si les gens trouvent du sens dans un projet ils acceptent de travailler sans rémunération, c’est bien la preuve que ça marche !
Nous avons un projet porteur de sens qui aura atteint son objectif quand il aura permis aux personnes amputées d’être fiers de leur prothèse et quand les valides ne regarderont plus une prothèse ou le handicap avec pitié mais avec admiration. Je vous assure, nous allons bien !!
La devise de My Human Kit est « Transformer ses limitations en motivation », ça résume assez bien notre philosophie.
Vous pouvez retrouver Christophe et Print My Leg sur Facebook : @PrintMyLeg
Sur le site site web de My Human Kit : http://myhumankit.org/projets/print-my-leg/